Chapitre 1 : EN ROUTE POUR L’ÉCOLE !
– Sa… Salut… Ta… Tao ! Léo est tout essoufflé. Tao a rarement vu une figure aussi écarlate ! – Oh là là ! Respire, Léo ! Tu ressembles à une écrevisse ! – Pfff ! Des matins comme ce matin, crois- moi, je préférerais vraiment être une écrevisse, avec une vie d’écrevisse qui ne va pas à l’école, et avec des parents écrevisses qui n’ont pas divorcé… Comme ça, je ne serais pas tout le temps obligé de courir d’une maison à une autre ! – Dis donc, ça va vraiment pas fort, toi ! Qu’est-ce qu’il t’arrive ? Tao pose la question, mais il connaît déjà la réponse : Léo est systématiquement en retard le matin, et toujours pour les mêmes raisons. Tao, lui, est systématiquement à l’heure, et même un petit peu en avance : pas envie de se mettre Chipote à dos ! Léo prend trois grandes inspirations : – J’avais oublié mon livre de maths ce week-end chez mon père ; du coup, il a fallu que je passe le récupérer chez lui. Il avait l’air plutôt surpris de me voir débarquer, pas réveillé du tout, mais content. Et il a insisté pour que je boive un chocolat chaud qu’il m’a préparé à deux à l’heure, vu-le-froid-de-canard-qu’il-fait- dehors-tu-peux-pas-repartir-comme-ça, et donc voilà, c’est juste pour ça que je suis en retard ! – Bah, dis donc ! T’es un vrai ouragan, toi, dès le matin ! – Et ouais ! dit Léo redevenu plutôt content de lui. Il gonfle la poitrine et vérifie que sa mèche de cheveux est positionnée comme il faut, c’est-à-dire qu’elle lui cache bien la moitié de la figure. C’est ça, d’avoir deux maisons ! Cling ! Badabang ! Tao shoote dans un gobelet en plastique tombé de la poubelle remplie à ras bord. Étant donné la taille de sa maison – un tout petit appartement, dans lequel il vit avec ses parents et ses quatre sœurs –, il a quelque peine à imaginer que l’on puisse avoir deux maisons et s’emmêler entre l’une et l’autre. « Je-ne- suis-pas-jaloux-je-ne-suis-pas-jaloux-je-ne- suis-pas-jaloux », se répète-t-il en boucle. Léo pousse Tao du coude pour le faire sortir de ses songes. – Allez ! En route ! Sinon on va vraiment être en retard et Chipote va nous remonter les bretelles devant tout le monde ! Les deux enfants font tourbillonner leurs cartables au-dessus de leurs têtes et prennent le chemin de l’école. Mais ils n’ont pas fait trois mètres que Léo s’arrête net. – Hé, Tao ! Regarde ! Qu’est-ce que c’est que ça ? Léo pointe du doigt la pancarte ficelée juste au-dessus de la tête de son copain, sous le petit bonhomme vert du feu rouge. Un immense dragon crache des flammes à côté d’une assiette de raviolis fumants tandis qu’un lapin plié de rire fait une galipette sur un nuage. – Bah, normal ! C’est pour le Nouvel An ! Tao est tout fier de connaître quelque chose que Léo ne connaît pas. En classe, c’est toujours l’inverse : Léo ceci, Léo cela, prenez exemple sur Léo, regardez ce qu’a fait Léo… Alors, pour une fois que Tao peut se faire mousser un peu ! – Le Nouvel An ? Mais c’est passé depuis un mois ! On est le 31 janvier, je te signale ! Le problème avec Léo, c’est qu’il veut toujours avoir le dernier mot. – Ton Nouvel An à toi, peut-être, Léo-Je- Sais-Tout, mais pas le Nouvel An chinois !